La Vallee des Aigles Chauves

 





Voici un roman pour pré-adolescents et jeunes, le dernier-né des éditions Yomad. Il date d'un jour et sera exposé au salon du livre à Rabat qui aura lieu du 3 au 12 à l'OLM, à côté du Sofitel.

Les Saisons

 

Janvier est le tout premier mois de l'année

Février voit encore de la neige tomber

Au mois de mars enfin c'est le joli printemps

Qui vient en giboulées et passe dans le vent

Laissant le mois d'avril arroser nos jardins

Et préparer les fruits pour le chaud mois de mai

Juin reçoit les enfants dès le petit matin

En vandales joyeux dans ses arbres fruitiers

L'ete fond en juillet sous l'intense chaleur

Et se rosit les doigts de groseilles au mois d'aout

En septembre les bois resonnent de chasseurs

Puis teintent en octobre leurs feuillages de roux

Le tonnerre se fait messager de l'automne

Lorsque novembre pleure sur la terre mouillée

Puis c'est décembre enfin et l'hiver qui s'étonne

Des bêtes qui sommeillent au fond de ses forêts

Le Crabe et le Coco

Crabe voulait se marier
Mais il était trop bringueur
Et ses copains lui conseillaient
D'aller chercher sa femme ailleurs

"Le  prochain  Coco part demain!"
Alors Coco fait sa valise
Et dit Adieu à ses copains

Apres une journée de voyage
Ils arrivent à la balise.
"Il n'y a rien pour faire un trou!"
Dit le crabe desappointé,
"Continuons jusqu'aux récifs!"

"Mais, il n'y a que des rochers,
Aucune terre pour mes pieds!"
Dit le Coco très inquiet.
Alors la mer se fait houleuse,
Les grosses vagues, monstrueuses.

"Je n'aurais jamais du quitter
Mon île pour me marier"
Dit le crabe en gémissant.

"J'aurais du rester planté
Au pied de mon cocotier"
Dit le Coco trés secoué.

Aprés des journées de vent,
La lune blanche apparaît
Comme posée sur l'océan.

Nos deux amis émerveillés
Se croient enfin arrivés.

On ne les revit jamais.

Mais lorsque la lune est pleine
On peut y voir un motu *,
Un cocotier et plein de trous!

Crabe a du s'y marier...


Sylvie M. Miller
Moorea, le 26 aout 2000

*Un motu est une petite île dans le langage des polynésiens.

La neige est enfin tombée

cela dépend de la saison
ou du buisson
sous lequel il s'est caché
pour regarder la pluie tomber

mon chat sent la menthe fraîche
la capucine, le pétunia
la groseille en plein été

au printemps c'est le lilas
ou bien la fleur du cerisier
- cette branche qui s’alourdit
de merles venus le narguer -

en été c’est le parfum
puissant de l’aube sous le figuier

celle poivrée du néflier
pris d’assaut par la rosée

en septembre, c’est l’odeur du géranium
à son oreille
qui me réveille car je sais
que l’automne est arrivé

mais celle qui me fait me lever
n’a pas de poids, de profondeur,
c’est celle vide du silence
qu’il me rapporte au bout du nez

s’il l’a glacé, son nez,
je sais

que la neige est enfin tombée


Sylvie M. Miller

29 septembre 2014

Tes Ecureuils (pour Félix)

Grandir au rythme d'écureuils
Qui font des huit
Autour des branches
A peine à quelques pas
- Sans toi
Pendant toute ton enfance 
Tu les a vus
Pendant que tu
Prenais ton petit-déjeuner,
Croquais une pomme,
T'entêtais
A faire se lever le soleil
Aux quatre coins de tes dessins,
A faire qu'une troupe d'éléphants
Ait tant de papas
De mamans
Qu'elle puisse s'ébranler
Dans le feu de la savane
Sans jamais perdre ses enfants
Mais voilà
Tu as grandi
Moi là bas et toi ici

Je ne t'aurais pas vu troquer
Tes carnets pleins de magie
Pour des cahiers d'écolier

Je ne t'aurais pas vu tracer,
Dans l'herbe haute des savanes
Ou sur le dos d'un éléphant,
Tes écureuils sur le papier


3 février 2014
Montréal

Un Coco pour les Oiseaux

Si tu me trouves un coco vide
J’y logerai tous les oiseaux
Si tu me trouves une arachide
Je les y ferai manger
Et si tu leur tends la main

Ils viendront tous s’y percher!


Sylvie Mochiri Miller

Le Mahi Mahi

Je ressemble à mon cousin
Le joli petit dauphin
Mais mon nez est aplati

Je suis le mahi mahi


Sylvie M. Miller

Tourne tourne tourne vite

Tourne tourne tourne vite
Ta soupe dans la marmite
Souffle souffle souffle fort

Elle est bien trop chaude encore!


Sylvie M. Miller

Manu et l'Ile aux Oiseaux

Te rappelles-tu Manu?

Celui qui a sauvé, de l’île vagabonde, des oiseaux qu’un torrent retenait prisonniers… Celui qui, depuis lors, est seul à reconnaître qui des cerf-volants est un jouet ou bien tout simplement un oiseau déguisé par un voyage en arc-en-ciel…

Pour le remercier de les avoir libérés, les oiseaux lui ont appris un savoir faire très recherché: celui d’Expert en cerf-volant.

Pour l’armature, ils lui ont dit l’endroit secrêt où pousse un bois des plus légers, ils lui ont montré la finesse du papier dont il faut monter les ailes, dévoilé combien l’armure doit porter de coloris, l’aquarelle utilisée par les éléments du ciel… et surtout les justes mots qui feront que les jouets voleront comme des oiseaux!

Quant à l’île vagabonde, Manu pensait que désormais elle n’était plus qu’une légende, que le torrent, privé de jouets, l’avait laissée se réchauffer tant qu’elle voulait. Mais un pêcheur bien connu pour ses longues virées en mer, raconta qu’elle ne prenait même plus le temps de s’arrêter! Il l’avait vue zig-zaguer comme une aiguille de couturière! Elle trébuchait dessus les vagues, s’éssoufflait à rattraper des éclaircies pour s’y sécher. A croire qu’elle était habitée par un démon qui n’appréciait que la pluie!

Manu, lui, savait bien de quel démon il s’agissait! Ainsi donc le torrent continuait de l’alourdir de ses marais! Pour quelle autre raison l’empêchait-il de se chauffer, sinon qu’il y gardait encore quelque vilain secrêt?

Manu passa des jours au large, préfèrant à la mer belle celle où la houle déchainée le soulevait sur l’horizon. Il suivit des embarcations dont il savait qu’elles baigneraient dans les moussons, il remonta des rivières dans des lagons inconnus, tentant d’y trouver le pied de l’arc-en-ciel qui se formait.

Et puis un jour il la trouva, enfouie dans son rideau de pluie. Elle ne ressemblait en rien à l’île qu’il avait quittée: elle croulait sous des feuillages gonflés d’eau, ses vallées étaient noyées, ses plages avaient disparu. A peine eut-il posé les pieds sur la grève rocailleuse qu’un ronflement familier émoustilla la forêt. Les cocotiers y avaient pris des dimensions élèphantesques!  Avec les pluies qui s’enchainaient, la boue giclait de tous côtés, des racines de fougères se tordaient à ciel ouvert! De la clairière il ne restait qu’un grand lit désordonné où le torrent se vautrait. On avait arraché des branches aux cocotiers, empilé plein de cailloux et dissimulé la vue sur la vallée.

Pas de doute, cela sentait l’humidité, les cages à jamais fermées. Manu chercha dans les buissons. Un oeuf y était enfoui sous un amas de lychen.

Mais alorsqu’il le touchait, on remua dans les fourrés. C’était un oiseau de Barbarie, le tout dernier qui soit resté avec ses ailes d’origine et ses grands yeux fatigués clignaient à la lumière du jour.

Avec les quelques sons appris auprès des oiseaux de son île, Manu le mit en confiance, puis glissant l’oeuf dans une feuille de fougère qu’il lia à sa ceinture il s’accroupit près de l’oiseau. Il ne s’agissait plus, cette fois, d’attendre un arc-en-ciel pour le libérer, non, il s’agissait de l’emporter et de courir à toutes jambes, sans s’égarer et sans glisser. Sa pirogue, heureusement,  les attendait sur le rivage.

Une fois rentré chez lui, Manu soigna le bel Oiseau. Quant à l’oeuf, il s’arrondit dès le lendemain matin puis se fêla vers midi. A la nuit, il en sortit un petit poussin tout blond. Un poussin des plus communs!

Turbulent comme tous ceux qu’on voit courir sur les chemins, il suivait Manu partout, même jusque sur les récifs où les crabes se bousculaient pour l’admirer.  Manu montait près de lui ses cerf-volants et lui confiait tous ses secrêts.

Le petit poussin grandit et un habit de lumière vint remplacer tout son duvet. Les plumes de sa queue jetaient leurs flammes sur le sol. En fait, il avait tout d’un coq mais des oiseaux de Barbarie, il n’avait pas même les ailes, si ça n’est qu’il s’envolait au moindre vent!  Manu ne pouvant reconnaître s’il s’agissait d’un cerf-volant ou d’un oiseau déguisé, opta pour le jouet et lui apprit à voler.

A cette époque, des concours de cerfs-volants s’organisaient dans la vallée, pour lesquels petits et grands s’entrainaient les jours fériés.

Mais, à la veille du grand jour, Manu ne put fermer l’oeil. Il  poussait de gros soupirs et  se tournait dans son lit.  A l’aube, il se laissa prendre par un songe qui le guettait: C’était au début de la course. Elle commençait, étrangement, au bout de l’île aux oiseaux, où pour une fois il faisait beau.

Des montagnes parvenaient le teintement joyeux de l’eau qui se jetait dans la vallée et dans le ciel, le coq de Manu se hissait au-dessus des autres comme un jouet de carnaval.

Mais les rêves, on le sait, montrent du doigt ce qu’éveillé, on ne voit pas:

Le coq, en réalité, fuyait devant les cerfs-volants qui voulaient le mettre en pièces!  Pour échapper à leurs morsures, il tirait, forçait l’allure si bien que le fil, surtendu, glissa des mains de Manu. Alors, livré aux quatre vents, le coq-volant virevolta et s’abîma dans le torrent… D’un coup,  toute la vallée retomba dans le silence.

Manu se réveilla en sueur, les yeux mouillés.

Son coq était déjà debout, au garde à vous et prêt à faire de lui le petit garçon le plus fier de la vallée! Fou de bonheur, Manu comprit la signification du rêve.

Et il prit part aux championnats, mais avec un vrai cerf-volant qu’il construisit à la sauvette et qui risquait de s’écraser sur un arbre ou un rocher.

Et pourtant, Manu gagna.

Je ne sais pas très bien comment car il avait depuis longtemps préféré son protégé à la fabrication des jouets. Mais, il raconte que le sien a traversé un serpentin qui musardait dans le soleil. Et lorsqu’il en est ressorti, ses gloussements étaient exquis, ses coloris de berlingots pareils à ceux du bel Oiseau que Manu avait guéri.

Et d’ailleurs, prête l’oreille…


Ça ne sont pas les bruissements de la forêt que tu entends, ni le pipeau des cours d’eau, mais simplement des cerfs-volants qui vocalisent dans le vent…


Sylvie M. Miller

L'Ile aux Oiseaux

Je te parle d’une île perdue sur l’Océan.

Une parcelle d’archipel qui s’en serait détachée pour se promener au vent. On ne l’aperçoit jamais que flottant sous les averses et, bien que souvent on la prenne à se chauffer aux arcs-en-ciel, elle s’évapore après la pluie.

On la dit verte de forêts, on dit aussi que dans sa baie, dauphins, tortues et baleines aiment à batifoler. On dit qu’elle est remplie d'oiseaux, de beaux oiseaux de barbarie. Or chacun sait que ces oiseaux ne font leurs nids que dans les  bassins d’aquarelles.

Manu l’a vue. Il en a même rapporté une histoire à faire rêver.

Il péchait un beau matin, à l’extérieur de son lagon, lorsque la houle se leva. De gros nuages, à l’horizon, s’amoncelaient et puis la pluie s’est abattue, chaude et violente sur Manu.

Sur sa pirogue ballotée dans tous les sens, Manu gardait les yeux rivés sur son lagon qui s’éloignait. Lorsqu’une île est apparue, à quelques vagues de lui.

Bien qu’on lui ait souvent parlé de cette île qui voguait entre les grands continents, Manu savait qu’aucun bateau, aucun pêcheur n’avait pu la rattraper. Et lui, la voyait dériver, à peine à trois coups de pagaie, jusqu’à ce que sa pirogue chavira sur le rivage…

La pluie continuait de tomber, trempant tout le paysage. Une forêt de cocotiers venait déborder sur la plage et Manu s’y engagea. Mais un tremblement soudain gronda dans les cocotiers!

Manu n’est pas seulement curieux, il est aussi très courageux. Il s’enfonça parmi les arbres alorsqu’un nouveau tremblement se fit sentir plus fort qu’avant! Et plus le garçon avançait, plus le vacarme ébranlait jusqu’aux troncs d'arbres, aux fougères, même la terre sous ses pieds.

Le coeur transi par tous ces bruits, Manu gravit le sentier parmi les pierres qui s’éboulaient,  jusqu’à ce qu’il fut arrêté par des rochers. Après eux, une clairière ouvrait l’ombrelle des feuillages sur les vallées et puis la mer. Et devant lui se pavanaient, des couples d’oiseaux magnifiques.

Etaient-ce là ces beaux oiseaux que l’on disait de barbarie? Mais en y regardant mieux, Manu comprit qu’ils se battaient! L’un contre l’autre, ils se jetaient et retombaient de tous côtés. 

Lorsque l’un d’eux se déchirait, comme du papier de soie, les autres continuaient, comme si leur vie en dépendait…  Et chaque fois, ce grondement qui délogeait tous les rochers!

C’était un torrent ventru, assourdissant et feuillu, qui s’esclaffait sur les pierres!

“Encore! Encore!” tempêtait-il en se tortillant de joie! Il écumait de plaisir et les oiseaux se bousculaient tant ils étaient épouvantés…

Or, soudain, une éclaircie pointa son joli minois juste au-dessus de la clairière. Plus d’un oiseau leva son bec, dressa ses pattes pour voler, mais ses ailes aspergées par les ondées du torrent le retenaient prisonnier…

Devant autant de malice, Manu du se dominer pour ne pas bondir de rage. Mais s’il s’était aventuré à sauver les malheureux, le monstre l’aurait noyé dans son antre-marécage...

Manu glissa dans les fourrés, cherchant comment le contourner lorsqu’il perçut le va-et-vient d’une eau vive retenue contre son grès dans les fougères..

Entre les pierres, à ses pieds, s’entrechoquaient de gros œufs pâles et cabossés. Leur coquille était glacée tant leur couche était trempée. Ça n’était pas moins qu’une cage où le torrent les retenait, interdisant à la lumière d’y venir les réchauffer!

Ils étaient si rabougris, si meurtris, que l’enfant, pris de pitié se mit à les libérer. Il déplaça quelques pierres et les poussa dans le courant qui s’échappait de la clairière.

Alors, pour suivre le ruisseau, Manu bondit sur les galets, déboula sur les rochers, dévala tous les sentiers, jusqu’à l’entrée de la vallée.

Une rivière y lézardait derrière son rideau de pluie et, au travers, en jaillissaient des serpentins de coloris.

C’était un bassin d’aquarelles, une fontaine d’arc-en-ciel.

Réchauffés, réconfortés, les œufs s’ouvrirent à qui mieux mieux, laissant paraître à leurs coquilles des oisillons de barbarie. Il y en avait partout, dessus, dessous et tout autour, gros et joufflus comme des joujoux.

Ils s’envolèrent vers la clairière et se chargeant des prisonniers, ils s’élevèrent comme des ballons.

Sur quoi le torrent, furieux, éclaboussa ciel et terre!  Voici que ses toupies s’élançaient hors de la pluie! Qui donc osait délivrer tous ses jouets préférés?!

Il se mit à fulminer, mobilisant sur la vallée toutes les eaux qu’íl commandait: les eaux saumâtres des marais, les eaux stagnantes des fourrés, les eaux dormantes qu’íl prenait toujours plaisir à égarer!

A tout moment, l’île risquait de repartir sur l’Océan et Manu serait perdu! Il s’élança vers la mer et, comme par enchantement, se retrouva sur la plage où sa pirogue l’attendait.

Au même instant, ivre de rage, le torrent tambourina sur le sommet des volcans mais Manu poussait déjà sa pirogue dans les vagues. Il commençait de pagayer, lorsque l’île vacilla.

Puis disparut.

Le soleil s’était remis à vibrer sur le lagon où l’arc-en-ciel trempait un pied.

Manu aurait pu rentrer. Oui, mais Manu attendait.

Il attendait les oiseaux.


Et, bientôt, ils s’échappèrent, de ce côté de l’arc-en-ciel. C’était un flot de cerfs-volants!


Sylvie M. Miller

Le vieil Aïto

Nous sommes à la veille de  Noël. L’île entière est trempée par la pluie qui vient de la traverser, laissant derrière elle une traînée de couleurs. Les arbres brillent sous l’aube naissante. Tout près d’un champ de tarots, au bord d’une rivière, un petit fare niau est bercé par les murmures du lagon tout proche. Sur la plage, un petit garçon attend le retour de son papa. Ce dernier est parti très tôt avec sa pirogue, non pas pour pêcher cette fois, mais pour trouver de quoi fabriquer les cadeaux dont ses enfants rêvent pour Noël!

L’école est fermée aujourd’hui et comme tous les enfants de l’île,  Manutea et sa petite sœur, Maîmiti, ont prévu d’utiliser leur journée pour préparer les festivités et décorer leur arbre de Noël. A la différence des autres arbres de Noël que l’on voit dans les maisons,  le leur est un vieil aïto qui sélève sur la plage. Qui plus est, lorsqu’il est ainsi décoré de couleurs chatoyantes, il attire, le temps d’une nuit, des charmes qui, portés par la brise, se posent sur ses branches!

Après avoir aidé leur maman à balayer, les deux enfants s’occupent à ramasser les feuilles que le vent de la nuit a dispersées partout dans le jardin. Puis,  ils transportent le large panier rempli de décorations de toutes sortes sur la plage.

La petite Maïmiti déballe avec précaution les boules rouges, jaunes, bleues et les tend une à une à son frère. Bientôt, toutes les branches qui sont à la hauteur du petit garçon, sont couvertes de bricoles multicolores! Et la petite Maïmiti, épuisée s’endort au pied de l’arbre, la joue posée sur les racines.

Dans le rêve de Maïmiti, le vieil aíto s’est animé. Il s’est transformé en un homme souriant et fort dont les bras couverts de tatouages merveilleux rappellent les décorations sur les branches, son torse et ses jambes puissantes font penser à un tronc magnifique et robuste. Quant aux colliers de fleurs qui parsèment ses cheveux et sa barbe, ils le font curieusement ressembler à l’idée que Maïmiti se fait du Père Noël!

Penché  vers elle, l’homme écoute attentivement et parce qu'il n'entend habituellement que le vent qui souffle dans les branches ou bien les cris des oiseaux, ou bien encore le remous des vagues dans la mer, il s'efforce à tendre l’oreille:

“Est-ce un vini ou bien le clapotis de l’eau?” s’interroge-t-il tout haut  

“C’est moi” répond la petite fille.

“Et que puis-je faire pour toi, Maïmiti?”

“… j'aimerais bien une maison avec des portes, des fenêtres et des chaises. Et un lit pour ma poupée!”

“Pour cela, tu dois chercher l’endroit où tout passe par le ciel. Quand tu l’auras trouvé,  tu trouveras aussi ta maison…” répond l'homme Père Noël avant de remonter dans le vieil aíto.

Très impressionnée par son rêve, Maïmiti se réveille en sursaut! Elle est toute étonnée de ne pas trouver son frère à ses côtés et l’apercevant sur le rivage qui attend le retour de leur père, elle court vers lui pour lui raconter son rêve fabuleux!

Manutea comprend qu’il s’agit là d’un message important et il se met à marcher de long en large sur la plage, en essayant de deviner ce que le message veut dire. Pendant ce temps, Maímiti s'efforce de ne pas rester en arrière et gambade après lui, effaçant le sommeil de ses jolis yeux.

Sur la mer, les couleurs du crépuscule commencent déjà à rosir lorsque la pirogue de leur  père apparaît au loin, sur la passe. Avec son expérience, Manutea sait que le soleil aura disparu derrière l’horizon lorsque la pirogue atteindra le rivage et il court chercher dans le fare, la lampe à pétrole qui les aidera à éclairer la plage.

Mais leur papa est désolé! Il n’a rien trouvé! Pas un seul morceau de bois qui puisse aider à la fabrication d’une pirogue ou d’une maison de poupées! Il n’y a dans le filet qu’une étoile de mer.

Manutea la dégage des mailles encore mouillées du filet et s'apprête à aller la rejeter à l’eau, lorsqu’il entend s’en dégager comme un bruit de coquillage sur des cristaux de sable:

“Aide-moi à briller! Porte-moi là où tout passe par le ciel, ainsi je serai belle pour la nuit de Noël!”

C’est alors que, dans leur écrin bleuté, les étoiles paraissent dans le ciel et Maïmiti, étonnée, croit y reconnaître un millier de clins d'œil!


“J’ai compris” s’écrie-t-elle en montrant du doigt le sommet du aíto: “J'ai compris: L’étoile de mer veut briller là haut! C'est là haut où tout passe par le ciel!”

En effet, après avoir grimpé au vieil aíto dont les branches sont soudain devenues douces au toucher, Manutea franchit le sommet et brandit haut dans le ciel la petite étoile de mer qu’il a tenu tout le temps dans la poche de son short pour ne pas la blesser.

Alors, le ciel soudain s’éclaire de mille feux, les rivages brillent sous les reflets que jette la petite étoile qu'un tel spectacle émerveille!

C’est à ce moment-là que, du haut de leur arbre, les deux enfants aperçoivent dans la rivière ce qu'ils n'auraient jamais pu voir depuis le sol: un vieil et vénérable uru que les vents violents de la nuit dernière ont déraciné.

Cette fois, c’est Manutea qui crie de joie “ Voici le bois dont nous avons besoin pour ta maison, Maímiti!”

“…Et aussi pour la pirogue de notre père!" reprend la petite fille en se laissant guider par son frère pour descendre sans tomber et se retrouver saine et sauve à terre, les pieds solidement posés sur la plage!

Plus tard, il aura suffit d’une scie, de quelques clous, d’un coupon de calicot et de tout l’amour des parents pour que les cadeaux des enfants soient fabriqués en l'espace d'une nuit, à temps pour le matin de Noël.

Dans le bois du vieil uru tombé au bord de la rivière, ils ont pu faire une pirogue légère et facile à manier pour Manutea. L’autre pirogue, plus lourde, demandera un travail plus important que le père des deux enfants entreprendra durant le mois. 

Quant à la maison de poupées, elle a demandé autant d’attention dans sa construction mais plus de soin dans sa décoration, car pendant que le papa de Maïmiti en façonnait les meubles, sa maman cousait pour chaque fenêtre de la maison de jolis rideaux de couleurs qu’elle avait découpés dans le calicot, pour les chambres, et dans un pareú pour les fenêtres du salon et de la cuisine.

Au matin, tandis que leurs parents, épuisés, dormaient encore, le visage appuyé contre la coque de la pirogue, les Maimiti et Manutea se réveillèrent sur le sable scintillant du rivage et eurent le bonheur de trouver les cadeaux dont ils rêvaient sur les racines du vieil aíto tout décoré pour Noël.




Sylvie M. Miller

Manu et la Pluie


Devant la pluie qui tambourine et se déroule derrière lui, Manu s’échappe comme il peut: il s’imagine être un surfeur qui se faufile entre les eaux et chevauche son vélo comme une planche sur la houle!


Dès que les gouttes le rattrapent, Manu devient Ta’aroa monté du ventre de la mer:  Son vélo est un dauphin magnifique et légendaire, les tipaniers sont des coraux, les farés de gros burgots et la pluie sur son visage: une preuve supplémentaire de son fabuleux courage.


Mais voici qu’avec l’orage où se talonnent des éclairs, Manu entend un jappement et, dressé sur son vélo, l’enfant cherche d’où il vient…


Est-ce un des courants marins dont les nombreux va-et-vient ont retenu prisonnier quelque pêcheur et son filet? 


Est-ce le ciel qui proteste -car mouillé par les embruns que soulèvent son dauphin?


Ou bien encore une marée qui, égarée dans l’univers, cherche à rejoindre la terre?


Ta’aroa écoute bien et ménage sa monture en lui flattant l’encolure.


Qui va-t-il pouvoir sauver?


En fait, c’est un petit chien attaché près de la route, un petit chien tout trempé qu’on a sans doute oublié!


Brandissant son javelot, Ta’aroa jaillit des flots. Comme un soleil qui fait sécher l'humidité sur le sable, la vue du vaillant guerrier sorti de l’eau pour le sauver, est une joie pour le chiot qui, libéré, oublie pourquoi il se plaignait et court après la bicyclette de son nouveau petit maître. 


Alors, le vaillant guerrier, une main posée sur son guidon, l’autre pointée sur le soleil, propose à son vélo-dragon la tortue d’or à l’horizon.



Sylvie Mochiri Miller